Le projet BEPS, porté par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), est un projet ambitieux de lutte contre l’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices (BEPS). Ses objectifs, notamment en matière d’échange automatique d’informations et de transparence fiscale, constituent aujourd’hui des enjeux particulièrement importants au regard des affaires très médiatisées Apple, Starbucks ou Amazon. Depuis leur publication en octobre 2015, les rapports BEPS et leurs préconisations sont à la disposition des pays membres du G20 et de l’OCDE, ainsi que des pays en voie de développement, des organisations régionales et des organisations internationales ayant participé au projet, qui peuvent ainsi travailler à leur application.
C’est ce sujet qui a fait l’objet de la conférence animée le vendredi 4 novembre dernier par Samia Abdelghani, conseillère au Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, qui a elle-même pu contribuer directement aux travaux BEPS. En mettant l’accent sur le caractère inclusif et transparent de ce projet, elle est revenue sur l’historique, le détail et la mise en place des 15 actions qui le constituent.
Ces 15 actions distinctes s’articulent autour de trois piliers : assurer la cohérence de fiscalité internationale en empêchant autant la double imposition que la double non-imposition ; réaligner les règles internationales sur la substance économique pour que les bénéfices soient imposés là où est réalisée l’activité réelle ; et améliorer la transparence fiscale tout en assurant une sécurité juridique pour les entreprises. En outre, l’action 1 s’attelle aux questions nées de l’économie numérique et l’action 15, particulièrement novatrice, à la mise en place d’un instrument multilatéral.
En impliquant les acteurs privés, entreprises, praticiens et universitaires, et en recherchant le consensus des quelques 87 États du cadre inclusif, les travaux du BEPS ont permis un renforcement des standards existants tels que le modèle de convention fiscale ou les principes directeurs en matière de prix de transfert, un accord des États sur des approches communes et des bonnes pratiques et aussi et surtout sur des normes minimales que les États participants se sont engagés à mettre en œuvre.
Parmi ces normes minimales, Samia Abdleghani a particulièrement détaillé la problématique de la documentation des prix de transfert (action 13), sur la mise en place de la déclaration pays par pays, en expliquant notamment les difficultés liées à la réticence de certains acteurs en la matière et qui ont pu être résolues par la capacité de l’OCDE à concilier les différentes opinions et les intérêts en jeux. La mise en place d’un instrument multilatéral (action 15) permettant la modification automatique des conventions fiscales constitue enfin, d’après elle, la meilleure manière d’assurer la mise en place des normes minimales en la matière.
Interagissant avec la salle, Samia Abdleghani nous a confié son espérance de voir, par la mise en place du BEPS, la réduction sinon la fin du chalandage fiscal. Les travaux du BEPS restent de la soft law, mais l’engagement politique des États est aujourd’hui réellement susceptible d’accorder aux travaux BEPS effectivité et efficacité, quitte à ajuster les mécanismes lors de la révision des actions prévue en 2020. Jean Giard