Commentaire de la loi de finances pour 2019 et de la loi de finances rectificative pour 2018

Par Matias de SAINTE LORETTE, Rapporteur à la section des finances publiques du Conseil d’État
Résumé de David Ytier, doctorant et ATER du CEFF

 C’est en présence de 200 étudiants, universitaires et professionnels, à l’initiative du Centre d’études fiscales et financières de l’Université d’Aix Marseille, en partenariat avec le Cabinet d’avocat LOUIT-DUTEL & associés ainsi que le cabinet comptable IN EXTENSO, que s’est tenue la traditionnelle conférence de présentation du projet de loi de finances initiale. Invité pour l’occasion, Matias de SAINTE LORETTE, Rapporteur à la section des finances du Conseil d’État, a pu dévoiler une analyse personnelle du texte. Si, les années précédentes, la conférence avait permis de détailler les mesures à la fois de la loi de finances initiale et celles de la loi de finances rectificative, cette dernière n’a pas cette année été abordée sauf pour signaler l’inhabituel cantonnement des mesures fiscales à la loi de finances pour 2019.

    Prudent, le conférencier a tenu à rappeler que le contexte mouvant l’avait obligé à réajuster certains propos. Le mouvement des gilets jaunes et les annonces successives du Premier ministre et du Président de la République ont en effet eu des conséquences fiscales – concernant la trajectoire carbone – mais aussi budgétaires.

    La conférence a permis de développer plusieurs mesures du texte qui révèlent les diverses influences qui ont pu peser sur le Gouvernement et le législateur. En les identifiant, la logique de la nouvelle disposition apparaît, c’est ce qu’a régulièrement démontré le conférencier. Cette particularité de la loi de finances avait été soulignée, en ouverture de la présentation, par Thierry LAMBERT, Directeur du Centre d’études fiscales et financières. Le projet de loi de finances pour 2019 a été présenté en quatre temps distinguant les bénéficiaires des mesures prévues.

    Les premiers commentaires ont porté sur la fiscalité des entreprises. Sur ce thème, plusieurs dispositions du projet de loi ont été inspirées d’un schéma qualifié par le conférencier de « pas de trois » : l’OCDE promeut de nouveaux concepts, l’Union européenne les traduit en droit contraignant pour ses États membres, puis l’État les transpose obligatoirement en droit interne. Par ce schéma, le législateur communautaire intervient en matière d’impôt sur les sociétés et impulse progressivement une harmonisation. Cette démarche habituelle pour la fiscalité indirecte, comme c’est le cas pour la taxe sur la valeur ajoutée, est inédite en matière de fiscalité directe. Elle a pour origine un consensus international reçu par l’Union européenne qui, en le reprenant à travers des directives, évite aux États membres de s’interroger sur l’opportunité d’une évolution des règles internes. Les dispositions concernées du projet de loi sont l’article 13 relatif aux charges financières des entreprises par lequel la France va au-delà d’une simple transposition pour revoir de manière complète tout le dispositif interne, ou encore l’article 48 instaurant une clause anti abus générale. Sur cet article, le conférencier a évoqué l’éventuelle saisine du Conseil constitutionnel en rappelant toutefois que la transposition fidèle du texte européen doit conduire à surtout observer l’analyse du juge communautaire quant à la directive elle-même. Enfin, toujours au sujet de la fiscalité des entreprises, Matias de SAINTE LORETTE a démontré la mise en œuvre en France du Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices mené par l’OCDE. Celle-ci se révèle à travers la lecture de l’article 14 du projet de loi de finances consacré au régime des brevets. De l’analyse du conférencier, il semble en l’espèce concernant cette disposition que la France, isolée sur ce sujet, a fini par céder à la pression de la communauté internationale.

    S’agissant de la fiscalité des particuliers et du capital, le conférencier a principalement fait un point sur le prélèvement à la source ajusté par l’article 3 du PLF. Cet ajustement vise un élargissement des crédits d’impôts et réductions d’impôts récurrents pouvant être pris en compte au cours de l’année par une avance effectuée par l’Etat. L’ajustement concerne aussi certains particuliers employeurs, après que des problèmes techniques aient été rencontrés au cours de la phase de test de ce nouveau mode de prélèvement de l’impôt sur le revenu.

    En matière de fiscalité locale, la loi de finances intervient quant à l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière sur les entreprises, à propos précisément de la définition d’établissement industriel. Celle-ci avait en effet entraînée des contentieux à la suite de contrôles au cours desquels des locaux de stockage ou artisanaux avaient été considérés comme industriels. L’intervention du législateur était requise afin d’encadrer l’action de l’administration fiscale et éviter les éventuels recours de collectivités territoriales contre l’État pour responsabilité quant à la qualification donnée. Ainsi, afin de sécuriser la détermination des valeurs locatives, le texte légalise la définition des établissements industriels dégagée par la jurisprudence du Conseil d’État en 2005.

    Enfin, en ce qui concerne la fiscalité internationale, la loi de finances transpose la directive (UE) 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 relative aux mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne. Ce texte est directement inspiré de l’action 14 du projet BEPS et vise à éliminer les doubles impositions entre États membres en prévoyant une procédure amiable et, lorsque les discussions entre administrations fiscales s’avèrent infructueuses, la mise en place d’une commission consultative en vue de rendre un arbitrage entre les États membres concernés.

    Après la présentation par le conférencier, les échanges avec la salle ont permis de souligner que cette loi contient peu de dispositions révélant la politique fiscale directement impulsée par le Gouvernement. Ainsi, qu’il s’agisse de la réforme de la fiscalité locale ou de la mise en œuvre d’une taxe sur le chiffre d’affaires des géants du numérique, ces sujets sont renvoyés à d’autres véhicules législatifs qui ne démarreront, potentiellement, qu’en 2019.

David YTIER
Doctorant ATER – Centre d’études fiscales et financières (CEFF)