Aix-en-Provence : loi de finances 2018, ce qui vous attend
Décryptage avec le Centre d’études fiscales et financières
Résumé de la conférence :
Comme tous les ans, le Centre d’études fiscales et financières (en partenariat avec le cabinet LOUIT, DUTEL & Associés et le groupe d’expertise comptable In Extenso) a organisé la désormais traditionnelle présentation des lois de finances de fin d’année par un conseiller d’État ayant travaillé sur les projets en question. M. Matias DE SAINTE LORETTE, rapporteur au Conseil d’État, nous a fait l’honneur de se déplacer à la faculté d’Aix-en-Provence ce vendredi 15 décembre pour cet exercice devant quelque deux cents personnes (juristes, avocats, experts comptables, universitaires, étudiants et autres).
Maître Hervé DUTEL, du cabinet LOUIT, DUTEL & Associés, et le professeur Thierry LAMBERT, directeur du Centre d’études fiscales et financières, ont tenu à rendre hommage à l’initiative de feu le doyen Christian LOUIT d’organiser ces présentations dès le mois de décembre, dans une démarche prospective, en amont des décisions du Conseil constitutionnel, afin d’assurer la primeur de l’analyse. Ils ont également salué la participation du groupe In Extenso à cette conférence. En outre, le professeur Lambert s’est employé à recontextualiser les enjeux des lois de finances concernées, notamment en ce qu’elles s’inscrivent au sein d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 qui prétend réduire la dette publique de 5 points de PIB, diminuer la dépense publique de 3 points tout en diminuant les prélèvements obligatoires.
Après avoir rappelé la spécificité des lois de finances de cette fin d’année, M. DE SAINTE LORETTE est revenu sur les principales réformes et les grands enjeux de ces textes, en s’attachant à les mettre en perspective avec les choix financiers antérieurs ainsi qu’avec les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.
En matière de fiscalité des entreprises, l’amorce du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) – déjà prévue dans la loi de finances pour 2017 avec pour horizon 2020 – est confirmée pour 2018 et accélérée pour 2019 en vue d’une poursuite et d’une accentuation pour amener le taux à 25% en 2022. Suite aux contentieux communautaire (pour incompatibilité avec la directive « mère fille » – CJUE, 17 mai 2017, AFEP et autres) et constitutionnel (Conseil constitutionnel, n° 2017-660 QPC, 6 octobre 2017) y afférant, la suppression totale et définitive de la taxe de 3% sur les montants distribués est actée par le projet de loi de finances pour 2018, créant, en plus du manque à gagner, un coût de 10 milliards d’euros (Md€) de remboursements à charge de l’État. Afin d’y pourvoir, deux contributions exceptionnelles sur l’IS (validées par le Conseil constitutionnel, n° 2017-755 DC, 29 novembre 2017) ont été mises en place par la première loi de finances rectificative, visant les exercices fiscaux achevés du 31 décembre 2017 au 30 décembre 2018 d’environ 300 entreprises – à savoir les entreprises ayant un chiffre d’affaire de plus de 1 Md€ pour la première contribution et plus de 3 Md€ pour la seconde. M. DE SAINTE LORETTE est également revenu sur la suppression du CICE et du CITS en vue d’une « bascule » à partir de 2019 vers un allègement de charges sociales, ainsi que le doublement des seuils du régime des micro-entreprises (décorrélant les seuils des régimes de micro-BIC et micro-BNC de celui de la franchise en base de TVA).
Quant à la fiscalité des ménages et du capital, la mesure la plus symbolique du projet de loi de finances tient en la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI), les principaux enjeux relevant de la définition qui sera retenue de l’immobilier professionnel, nécessairement exonéré, de l’appréciation qu’en aura le Conseil constitutionnel, selon qu’il traite l’IFI comme un impôt de rendement ou un impôt incitatif. D’autres mesures sont également prévues pour 2018 : ont ainsi été évoquées la « barémisation » des revenus du capital (avec l’instauration d’un prélèvement unique forfaitaire) et la déductibilité de la CSG de l’IR.
La réforme de la fiscalité locale, sujet brûlant s’il en est, est également amorcée : le dégrèvement de taxe d’habitation (TH) pour 80% des assujettis à l’horizon 2020 a soulevé des questions en matière d’autonomie financière des collectivités territoriales. M. DE SAINTE LORETTE a rappelé que la réforme ne retire pas aux collectivités leur pouvoir de fixation des taux en matière de TH, mais a admis que les modalités risquent de créer un empêchement pratique à l’exercice de ce pouvoir. Une exonération de CFE minimum est prévue pour les redevables réalisant les plus faibles chiffres d’affaire.
M. DE SAINTE LORETTE a rapidement abordé d’autres mesures financières, en matière de procédures et contrôles fiscaux (notamment la diminution des intérêts de retard et moratoires, l’harmonisation des procédures de recouvrement forcé…) ou encore de fiscalité internationale – au renfort de certaines jurisprudences (en revenant sur l’interdiction de déduire les impôts prélevés en conformité avec les conventions fiscales bilatérales et l’aménagement des clauses de sauvegarde de l’article 123 bis du CGI) et en actualisation de la documentation en matière de prix de transfert (conformément au nouveau standard de l’action 12 du plan BEPS de l’OCDE).
Un temps de questions/réponses a été réservé avec la salle afin d’échanger sur les différents éléments abordés, sur lesquels M. DE SAINTE LORETTE a pu revenir en détail. Les nombreuses questions posées mettent en exergue tout l’intérêt que peuvent soulever ces lois financières et combien leurs enjeux sont sensibles.
Jean Giard